Le Grand Prix de Malaisie 2025 s’est avéré être un chapitre fascinant d’une saison MotoGP déjà marquée par son imprévisibilité. Pour la quatrième fois cette année, trois constructeurs différents ont partagé le podium — un événement rare à l’ère de la domination de Ducati. Malgré une nouvelle victoire pour la firme de Bologne, la course de Sepang a révélé une profondeur compétitive qui mijote depuis le début de la saison — surtout en l’absence du redoutable Marc Marquez.
Un plateau plus ouvert sans Marquez
Sans la régularité implacable et la présence constante de Marquez sur le podium, le plateau MotoGP est devenu un champ de bataille pour les opportunistes et les étoiles montantes. Les pilotes qui vivaient autrefois dans l’ombre des ténors trouvent désormais la lumière, profitant pleinement d’une grille plus ouverte. L’un des exemples les plus frappants de ce changement est survenu à Phillip Island, où Raul Fernandez a décroché sa toute première victoire en MotoGP, un résultat qui a surpris à la fois les fans et les observateurs.
Mais une autre histoire captivante s’est également dessinée : celle de Joan Mir, Champion du Monde 2020, dont la saison mouvementée avec Honda a oscillé entre éclairs de brillance et périodes de malchance. Actuellement 15e du classement des pilotes, Mir connaît une résurgence qui ravive non seulement l’espoir pour son propre avenir, mais aussi pour le projet de reconstruction de Honda, déterminé à restaurer sa réputation après plusieurs années difficiles.
Les difficultés de Honda et la confiance retrouvée de Mir
Les problèmes rencontrés par Honda ces dernières saisons sont bien connus. Jadis référence absolue en ingénierie MotoGP, le géant japonais a traversé une période frustrante, pénalisé par une moto difficile à maîtriser, même pour les pilotes les plus talentueux. Cependant, les dernières manches ont révélé des signes de progrès tangibles. Grâce à une combinaison de mises à jour techniques, d’améliorations aérodynamiques et de gains de performance moteur, la RC213V affiche une compétitivité renouvelée.
Joan Mir a été l’un des principaux bénéficiaires de cette évolution. Après un début de saison 2025 laborieux, marqué par des abandons et des chutes, l’Espagnol semble avoir retrouvé un certain rythme. Lors de ses quatre dernières courses, il a décroché deux podiums — un scénario inimaginable il y a encore quelques mois. Sa prestation au Grand Prix de Malaisie a particulièrement retenu l’attention : Mir s’est montré à l’aise, confiant et en parfaite harmonie avec sa machine — une image que les fans attendaient avec impatience depuis ses années chez Suzuki.
Honda, de son côté, est en pleine transformation philosophique. Avec l’arrivée du prochain grand changement de règlementation en 2027, le constructeur prépare déjà son futur effectif d’usine. Les rumeurs évoquent un éventuel renouvellement complet du duo de pilotes. Si cette incertitude pourrait facilement déstabiliser un pilote dans la situation de Mir, ses récentes performances témoignent d’un retour à la ténacité et à la maîtrise qui lui avaient permis de décrocher le titre mondial il y a cinq ans.
Pour Mir, l’enjeu est double : prouver qu’il mérite de rester chez Honda, tout en rappelant au paddock qu’il demeure l’un des pilotes les plus talentueux et les plus solides mentalement du plateau. Et même si l’équipe choisissait finalement de prendre une autre direction, il semble presque certain qu’un autre constructeur serait prêt à s’attacher ses services pour 2027 et au-delà.
L’analyse de Mat Oxley : la flamme rallumée
Le journaliste et analyste MotoGP chevronné Mat Oxley a récemment salué la forme retrouvée de Mir, établissant des parallèles intéressants entre l’Espagnol et son ancien coéquipier Marc Marquez.
Pendant la pause estivale, la saison de Mir semblait bien sombre. Il dominait le classement des chutes, accumulant une série d’abandons qui laissaient penser à un pilote en difficulté. Pourtant, ceux qui suivaient ses courses de près savaient que bon nombre de ces incidents résultaient moins d’erreurs de pilotage que de malchance pure — collisions et problèmes mécaniques imprévisibles.
Au fil de la saison, Mir a su transformer cette frustration en détermination. On a retrouvé par moments le Mir de la grande époque, capable d’allier agressivité et finesse. Tandis que son coéquipier Luca Marini faisait preuve d’une régularité exemplaire — terminant toutes les courses dans les points sauf une — Mir, avec son style plus risqué, a parfois offert des résultats spectaculaires.
Après le Grand Prix de Malaisie, Oxley a commenté la prestation du Majorquin :
« Joan Mir, franchement, wow. Il a terminé à huit secondes d’Alex Marquez — oui, c’est un écart important sur une course de 20 tours — mais quelle performance ! Il est fascinant à regarder sur cette Honda. Il a chuté lors du sprint en se battant pour le podium, mais sa façon de piloter, avec la moto qui danse sous lui, est hypnotisante. »
Oxley a également souligné le plaisir retrouvé de Mir sur la moto — un sentiment que le pilote a lui-même reconnu dans plusieurs interviews récentes.
« Il a dit à plusieurs reprises qu’il reprenait enfin du plaisir à piloter. C’est énorme. Il sent qu’il peut de nouveau jouer avec les limites du train avant, sentir les vibrations, gérer les glisses, tout en restant en contrôle. Il n’est peut-être pas aussi spectaculaire que Marc Marquez sur la Honda, mais il n’en est pas loin. Chapeau à lui. »
Les éloges d’Oxley ne sont pas anodins. Connu pour sa précision technique et ses décennies d’expérience, il ne compare pas Mir à Marquez à la légère. Si Mir ne possède pas l’imprévisibilité flamboyante de son illustre prédécesseur, il partage néanmoins cette capacité rare à tirer le maximum d’une machine réputée capricieuse.
Les statistiques d’une saison mouvementée
Sur le papier, la campagne 2025 de Mir reste difficile à lire — voire déroutante. Avec douze abandons à son actif, il n’a vu le drapeau à damier qu’à environ 40 % de ses courses. Ce chiffre pourrait suggérer une saison catastrophique. Pourtant, les résultats lorsqu’il termine racontent une autre histoire.
Sur les huit courses où il a franchi la ligne d’arrivée, Mir n’a jamais fait pire que 12e. Compte tenu des limites mécaniques bien connues de la Honda, ce bilan est loin d’être mauvais. Il illustre le portrait d’un pilote capable, lorsqu’il reste sur ses roues, de se battre dans le haut du peloton intermédiaire, voire de viser le podium.
Cette dualité — éclats de génie mêlés à une série de revers — fait de Mir l’un des personnages les plus intrigants de la saison 2025. Sous-performe-t-il, ou est-il simplement victime des circonstances ? La vérité se situe probablement entre les deux.
Tandis que Marini accumule les points grâce à une approche méthodique, Mir mise sur un style plus agressif, synonyme de hauts et de bas. Or, dans un championnat où la prise de risque et la stratégie deviennent déterminantes, la vitesse brute et l’instinct combatif de Mir demeurent des atouts précieux.
Vers l’avenir : que réserve le futur à Mir et à Honda ?
Alors que Honda poursuit la redéfinition de son identité en MotoGP, de nombreuses interrogations planent sur la composition de son équipe pour les années à venir. Le constructeur japonais aurait déjà commencé à étudier différentes options pour 2026 et 2027, en évaluant notamment plusieurs jeunes talents prometteurs.
Pour Mir, l’avenir dépendra de deux facteurs essentiels : sa capacité à maintenir la dynamique actuelle et la volonté de Honda de bâtir son projet autour de son expérience. Son titre mondial 2020 reste un argument de poids, prouvant qu’il peut triompher au plus haut niveau lorsque les conditions sont réunies.
La saison 2026 pourrait donc servir d’audition — non seulement pour convaincre Honda, mais aussi pour attirer l’attention d’autres constructeurs. Si Mir confirme la tendance observée ces dernières courses, il deviendra une cible de choix pour les équipes préparant la révolution réglementaire de 2027.
Côté technique, Honda devra maintenir le cap. Les progrès récents de la RC213V sont encourageants, mais la compétitivité durable exigera constance et stabilité dans le développement. Que Mir fasse ou non partie de ce projet à long terme reste à voir, mais son rôle dans le regain de combativité de Honda est déjà indéniable.
Conclusion : la résilience d’un champion
La saison 2025 de Joan Mir peut être résumée en un mot : résilience. Malgré les chutes, les abandons et les doutes entourant son avenir, il s’est imposé comme l’une des figures les plus fascinantes et imprévisibles du championnat. Sa capacité à rebondir après l’adversité, à retrouver du plaisir sur la moto et à extraire le maximum d’une machine exigeante témoigne d’un caractère exceptionnel.
Mir n’a peut-être pas la domination implacable de Marc Marquez, ni le charisme flamboyant de certains de ses rivaux, mais sa précision technique, son courage et sa capacité d’adaptation continuent de le distinguer.
Qu’il reste chez Honda ou qu’il relève un nouveau défi ailleurs, une chose est sûre : Joan Mir est loin d’avoir dit son dernier mot. Et si l’on en croit sa forme actuelle, les plus beaux chapitres de son histoire en MotoGP restent peut-être encore à écrire.


