MotoGP 2025 – Grand Prix d’Australie : La domination de Ducati mise à l’épreuve à Phillip Island – Sans Marc Márquez, la puissance italienne vacille
Le Grand Prix d’Australie 2025 à Phillip Island a offert l’un des week-ends les plus surprenants et les plus marquants de l’histoire récente du MotoGP. Ducati, référence incontestée en matière de performance et de constance ces dernières années, s’est retrouvée en difficulté, peinant à maintenir son habituel niveau de supériorité. Pour la première fois depuis plusieurs saisons, le constructeur italien est apparu fragile, désorganisé et vulnérable — son aura d’invincibilité s’est dissipée sous les vents côtiers de Victoria.
L’absence de Marc Márquez, véritable force motrice de Ducati cette saison, a mis en lumière un déséquilibre flagrant au sein du camp de Bologne. Ce qui devait être une nouvelle démonstration de la suprématie des Desmosedici s’est transformé en un week-end d’échecs collectifs, de frustrations internes et d’introspection profonde. Le Grand Prix d’Australie est ainsi devenu un rappel brutal : l’âge d’or de Ducati pourrait ne pas être aussi inébranlable qu’on le croyait.
Un week-end à oublier : le pire samedi de Ducati depuis 2020
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Ducati n’avait pas connu un samedi aussi catastrophique depuis Valence 2020. Les séances de qualification furent chaotiques, marquées par des chutes et une irrégularité générale parmi tous les pilotes sous la bannière Ducati. Pour la première fois depuis l’introduction du format Sprint en 2023, aucun pilote Ducati n’est monté sur le podium lors de la course courte. Un symbole fort : la fin d’une ère de contrôle total.
Fabio Di Giannantonio fut le meilleur représentant de Ducati en qualification, ne décrochant que la cinquième place sur la grille. Álex Márquez, malgré quelques éclairs de compétitivité, a chuté à deux reprises en Q2, ruinant sa position de départ et son rythme pour le reste du week-end. Le champion du monde en titre, Francesco “Pecco” Bagnaia, a quant à lui vécu un véritable cauchemar, terminant tout juste devant le pilote d’essai Michele Pirro lors du Sprint — avant-dernier, une position qui reflète autant des difficultés mécaniques que mentales.
C’était tout simplement la pire performance combinée du constructeur depuis près de cinq ans. La déception collective était palpable, et le paddock bourdonnait d’incrédulité.
Des fissures sous la surface : les frustrations internes éclatent
Après le Sprint, Michele Pirro — d’ordinaire calme et mesuré — n’a pas mâché ses mots. S’exprimant sans détour, il a reconnu la gravité de la situation et remis en question l’état actuel des performances de Ducati.
« Pecco ne perd pas du temps dans un secteur précis ; il est lent partout », a-t-il admis. « La situation doit être corrigée d’urgence, mais pour l’instant, nous n’avons pas de solution. »
Ses propos avaient le poids de l’expérience. Pilote d’essai historique et acteur clé du développement de la Desmosedici, Pirro connaît mieux que quiconque la trajectoire de réussite du projet Ducati. Pourtant, à Phillip Island, même lui semblait impuissant face à l’ampleur du problème.
« Ce n’est pas qu’une question de moto ou de talent de Pecco, » a-t-il ajouté. « Il faut comprendre pourquoi cette instabilité existe. Les bosses et les zones glissantes de Phillip Island posent des défis réels — mais pas des excuses. Nous ne nous adaptons pas aussi vite que nous le devrions. »
Bagnaia, visiblement frustré, partageait le même constat après l’une de ses courses les plus éprouvantes. « Notre moto est excellente quand tout fonctionne bien, » a-t-il déclaré. « Mais aujourd’hui, ce n’était pas le cas. Ma Ducati tremblait dans chaque virage ; j’avais l’impression d’être un passager, pas un pilote. »
Ses mots illustraient parfaitement le sentiment d’impuissance d’un champion habitué à lutter pour la victoire — pas pour la survie.
Les malheurs d’Álex Márquez
Pour Álex Márquez, la journée fut une succession d’erreurs et de malchance. Le pilote espagnol a reconnu qu’un mauvais choix de pneumatique avait ruiné sa course dès le départ.
« J’ai fait une erreur avec le pneu avant medium, » a-t-il expliqué. « Après quatre tours, j’ai compris que ce n’était pas le bon choix. Nous avons essayé d’ajuster le réglage après mes chutes, mais c’était pire. Nous avions le rythme pour le podium, mais en partant dixième, c’était impossible. »
Ses deux chutes en Q2 avaient déjà compromis la configuration de sa moto, le forçant à chercher de l’adhérence sur un circuit réputé pour son imprévisibilité météorologique et son bitume abrasif.
Malgré son honnêteté, les propos de Márquez ont souligné un problème grandissant au sein du camp Ducati : un manque de clarté et de confiance dans les décisions stratégiques. L’équipe, autrefois réputée pour sa précision analytique, semble désormais hésitante dans les conditions où la réactivité est essentielle.
La confession symbolique de Ducati sur les réseaux sociaux
Le moment le plus révélateur du week-end n’est pas venu d’une conférence de presse, mais d’un message publié sur les réseaux officiels de MotoGP :
« Pour la première fois, aucune Ducati ne sera sur le podium. »
Un aveu public amer. Ducati, marque qui avait monopolisé les podiums pendant six saisons consécutives, disparaissait du top 3. Cette phrase résonna dans tout le paddock et parmi les fans — le symbole d’une domination enfin fissurée.
Les résultats relancèrent aussi le débat sur la dépendance grandissante de Ducati envers Marc Márquez. Le Catalan de 32 ans a été la pierre angulaire de la campagne 2025, apportant à la Desmosedici son agressivité, sa capacité d’adaptation et sa force mentale légendaires. Mais sans lui, le château semblait bâti sur du sable.
Le fossé des concessions : des règles qui rééquilibrent la hiérarchie
Le Grand Prix d’Australie a également ravivé le débat autour des règles de concessions, réintroduites en 2024 pour aider les constructeurs en difficulté à retrouver de la compétitivité. Sous ce nouveau système, Ducati — après plusieurs années de domination — a perdu certains privilèges, notamment des séances d’essais supplémentaires et une plus grande liberté dans le développement moteur.
« Nos rivaux progressent plus vite que nous, » a reconnu Pirro. « Avec les concessions, Honda, Yamaha, Aprilia et KTM peuvent tester davantage, expérimenter et faire évoluer leurs motos plus rapidement. Nous, nous sommes limités. Cet écart commence à se voir. »
Pol Espargaró, pilote d’essai KTM, a confirmé cette tendance : « C’est bien de voir Honda et Yamaha redevenir rapides, pendant que certaines Ducati souffrent. Les concessions portent leurs fruits. »
Fabio Di Giannantonio, jeune espoir de la marque italienne, fut encore plus direct : « Nos concurrents progressent plus vite. Nous avons un excellent projet, mais il faut réagir. Les nouvelles pièces des autres usines fonctionnent mieux que les nôtres. Ducati doit se réveiller et innover. »
Ses propos sonnaient comme un avertissement : après des années de domination, Ducati ne peut plus se reposer sur ses lauriers.
Un circuit qui révèle les faiblesses
Phillip Island a toujours été un tracé impitoyable, récompensant l’équilibre et la précision. Ses virages rapides et ses changements constants d’adhérence punissent la moindre erreur de réglage. Historiquement, Ducati s’appuie sur la puissance et la stabilité — des atouts peu utiles sur un circuit demandant agilité et vitesse en courbe.
Beaucoup dans le paddock estiment que la nature du circuit a amplifié les difficultés de Ducati. Pourtant, le problème semblait dépasser le simple cadre technique. Sans Márquez, Ducati a semblé dépourvue de repères, à la fois sur la piste et dans le garage. L’équipe paraissait désorganisée, ses ingénieurs en quête de réponses et ses pilotes sans direction claire.
Les leçons de la chute : un signal d’alarme pour Ducati
Malgré la morosité ambiante, Michele Pirro reste prudemment optimiste. « Ducati a récemment gagné avec Pecco, » a-t-il rappelé. « Dans le sport, il faut parfois tomber pour mieux se relever. »
Ses paroles résument bien la situation : le désastre de Phillip Island représente autant une alerte qu’une opportunité. La domination construite depuis six ans n’est plus garantie ; elle doit être reconquise dans un environnement technique et concurrentiel en pleine mutation.
Au-delà du cas Ducati, ce Grand Prix pourrait marquer un tournant pour tout le MotoGP. Pendant des années, la suprématie italienne a alimenté la critique d’un championnat trop prévisible. Désormais, avec le retour en forme de Honda, Yamaha, Aprilia et KTM, le récit sportif semble revitalisé.
Le facteur Márquez
Au centre de la crise de Ducati se trouve Marc Márquez. Son arrivée avait transformé l’équipe en une machine invincible, fusionnant l’ingénierie italienne avec un talent brut et une combativité sans égal. Mais son absence à Phillip Island a révélé une vérité dérangeante : Ducati dépend de lui plus qu’elle ne veut l’admettre.
Sans son agressivité au freinage, son sens de l’adaptation et sa résilience mentale, la Desmosedici a semblé ordinaire. Le message est limpide : Márquez sublime Ducati, mais Ducati ne sait pas encore se sublimer sans Márquez.
Et maintenant ?
Ducati quitte l’Australie meurtrie mais pas abattue. Il reste plusieurs manches au calendrier 2025, et les ingénieurs italiens ne manqueront pas de réagir. Cependant, la tâche qui les attend est immense : retrouver la cohésion, l’innovation et la maîtrise technique qui faisaient leur force.
Pour les fans comme pour les rivaux, ce Grand Prix restera dans les mémoires comme celui qui a mis à nu la face humaine d’une machine que l’on croyait parfaite. Phillip Island n’a pas seulement testé les limites techniques de Ducati — il en a éprouvé l’identité même.
Si cette course annonce le futur de l’ère post-Márquez, Ducati devra évoluer vite. Car une vérité demeure, gravée dans le vent austral : sans Marc Márquez, la suprématie de Ducati n’est plus assurée. La chasse à leur chute vient tout juste de commencer.