La domination de Márquez bouscule l’ordre chez Ducati, Bagnaia peine à reprendre la main avant l’échéance d’Assen
Alors que la saison MotoGP 2025 atteint sa mi-parcours avec la dixième manche au TT des Pays-Bas à Assen, un nom est sur toutes les lèvres : Marc Márquez. Pour sa première année explosive au sein de l’équipe officielle Ducati, l’Espagnol redéfinit totalement l’équilibre des forces, laissant le double champion du monde en titre Francesco Bagnaia en quête de réponses.
En seulement neuf week-ends de Grand Prix, Márquez a bouleversé la hiérarchie établie chez Ducati. Bagnaia, visage de la marque de Bologne depuis 2021, avait inscrit sa domination dans l’ADN de l’équipe avec deux titres mondiaux et deux places de vice-champion. Mais aujourd’hui, Márquez ne se contente pas de gagner — il change la donne. Avec cinq victoires en Grand Prix, huit succès en sprint, six pole positions et un total impressionnant de 270 points, il impose son hégémonie.
À l’inverse, la campagne 2025 de Bagnaia est décevante. L’Italien n’a remporté qu’une seule course — celle d’Austin, profitant d’une chute de Márquez alors qu’il menait. Márquez a devancé Bagnaia en qualifications lors de huit des neuf manches et l’a dominé de manière éclatante à Mugello, circuit où Bagnaia avait régné sans partage ces trois dernières années. Le symbole est fort : Márquez met fin à onze années sans victoire à Mugello — sur les terres de Ducati.
Avec 110 points d’avance sur Bagnaia et encore 13 courses à disputer, Márquez ne se contente pas de gagner : il ébranle la psychologie du paddock tout entier — et plus particulièrement celle de son propre box.
L’ancien triple champion du monde et ex-équipier de Márquez, Jorge Lorenzo, a livré une analyse tranchée sur le podcast Duralavita après Mugello. Selon lui, la maîtrise technique et la force mentale de Márquez poussent Bagnaia à remettre en cause ce qui faisait jusque-là sa solidité.
« Je veux défendre Pecco ici — il ne cherche pas d’excuses, mais on l’a vu rouler différemment à Mugello », a déclaré Lorenzo. « On aurait dit qu’il essayait d’imiter le style de Marc — plus agressif, plus à la limite. Ce n’est pas le Pecco des saisons précédentes, celui qui gagnait des titres. »
Lorenzo a également évoqué son expérience sur la Honda de Márquez en 2019 : « Cette moto ne me convenait pas — Marc pouvait la faire voler, mais pour des pilotes plus sensibles comme moi ou Pecco, cela ne vient pas naturellement. Certains comme Marc ou Casey Stoner s’adaptent et vont vite quoi qu’il arrive. D’autres ont besoin d’harmonie avec la machine. »
Les statistiques confirment les propos de Lorenzo. À Mugello, Bagnaia a attaqué fort en début de course avant de décrocher, terminant quatrième pendant que Márquez s’échappait dans les derniers tours avec un rythme supérieur — remportant une victoire qu’il attendait depuis plus d’une décennie. Bagnaia, qui avait fait de Mugello son jardin, est reparti abattu.
Après la course, Bagnaia a lui-même reconnu que ses espoirs de titre étaient quasiment anéantis, qualifiant de « mission impossible » une remontée face à la forme actuelle de Márquez. Avec Assen — un circuit qu’il affectionne au point de s’être fait tatouer son tracé — à l’horizon, sa réaction sous pression sera scrutée de près.
Márquez, lui, n’a plus gagné à la « Cathédrale de la Vitesse » depuis 2018, mais la saison 2025 est celle des records brisés. Il a déjà mis fin à des disettes longues de dix ans au Qatar et en Italie. Une troisième victoire consécutive ce week-end serait une première depuis son dernier sacre en 2019.
Pour stopper Márquez, Bagnaia devra conjuguer vitesse et sérénité sur un tracé où peu ont su lui résister depuis 2022.
Miller veut rebondir là où tout a commencé
Dans le reste du paddock, Jack Miller espère effacer un Grand Prix cauchemardesque à Mugello. L’Australien a abandonné après seulement 10 tours, victime d’une série de problèmes techniques.
Qualifié 13e, Miller a subi une panne d’embrayage au départ, aggravée par un contact avec un autre pilote qui a arraché une ailette aérodynamique. Un souci au niveau du système d’alimentation a ensuite rendu la moto inconduisible, allongeant sa série noire sur un circuit qui ne lui a jamais réussi.
Ce résultat intervient à un moment clé pour Miller, qui joue sa place sur la grille 2026. Il se bat avec son coéquipier chez Pramac Yamaha, Miguel Oliveira, pour ce qui semble être un seul guidon disponible aux côtés du champion du monde Superbike entrant, Toprak Razgatlioglu. Le contrat d’Oliveira court jusqu’à fin 2026 mais contient des clauses de performance.
Présent à Assen ce jeudi, Miller est resté philosophe.
« C’est frustrant, bien sûr — surtout maintenant que j’ai besoin de points — mais c’est ça, la course moto », a-t-il déclaré. « On développe cette Yamaha à grande vitesse, et ce genre de choses arrive. Il y a un an, personne ne voulait de cette moto. Aujourd’hui, elle attire à nouveau. »
À 30 ans, Miller reconnaît qu’il n’a pas encore d’informations concrètes sur son avenir, mais il souhaite poursuivre l’aventure avec Yamaha.
« Je veux rester », a-t-il affirmé. « Je crois dans le projet et j’ai encore beaucoup à apporter. Toute mon énergie est tournée vers ça — prouver que j’ai ma place ici. »
Et il a des raisons d’y croire : Assen est le théâtre de sa toute première victoire en MotoGP, en 2016. Il estime que les caractéristiques du circuit peuvent convenir à la YZR-M1.
« Ce circuit a une bonne adhérence, et c’est ce dont on a besoin », a ajouté Miller. « Les pistes à faible grip sont notre talon d’Achille en ce moment, mais ici, ça devrait aller. »
Tous les pilotes Yamaha — Miller, Oliveira, Fabio Quartararo et Alex Rins — arboreront une livrée spéciale rouge et blanche ce week-end pour célébrer les 70 ans de Yamaha Motor Company. Le design rend hommage à la célèbre déco utilisée par Noriyuki Haga en World Superbike en 1999.
Les frères Márquez : rivalité familiale ou futur duel pour le titre ?
Pendant que Marc poursuit sa domination sans relâche, son frère cadet Alex construit tranquillement une saison digne d’un prétendant au titre — au point d’être comparé à Andrea Dovizioso.
Avec 13 podiums en 18 sprints et Grands Prix, Alex s’impose comme l’un des pilotes les plus réguliers du plateau. Il accuse 40 points de retard sur son frère aîné et se montre régulièrement sur le podium, avec une victoire et plusieurs deuxièmes places derrière Marc.
« Alex est l’un de mes rivaux les plus coriaces cette année », a reconnu Marc jeudi. « Il ne fait pas d’erreurs. Ça me rappelle Dovi en 2017 — toujours là, toujours rapide, toujours une menace. »
Interrogé sur la possibilité qu’il retienne ses coups face à son frère, Alex a balayé les rumeurs.
« Les gens disent que je n’attaque pas Marc, mais c’est juste qu’il est plus rapide », a-t-il expliqué. « Quand il a un ou deux dixièmes d’avance, tu es déjà à la limite pour le suivre. Mais quand l’occasion se présente, comme à Silverstone, je fonce. »
Il insiste sur le fait qu’aucune rivalité artificielle n’existe entre eux.
« On se bat depuis qu’on est enfants — ce n’est pas nouveau », a-t-il dit. « On sait comment se respecter en course. Pas besoin d’inventer des drames là où il n’y en a pas. »
Le champion du monde Jorge Martin proche du retour
Champion du monde 2023, Jorge Martin se rapproche d’un retour en piste après une saison marquée par une série de blessures. Il n’a pu disputer qu’un seul Grand Prix cette année, victime de chutes en pré-saison et d’un terrible accident au Qatar où la Ducati de Fabio Di Giannantonio l’a percuté, provoquant 11 côtes cassées et un poumon perforé.
Martin vise un retour pour le Grand Prix de République tchèque le mois prochain, sous réserve d’un feu vert médical après Assen. En cas d’approbation, il pourra effectuer un test privé grâce à une nouvelle règle permettant aux pilotes blessés de tester après trois courses manquées.
Aprilia reste patiente mais surveille de près la situation. Martin dispose d’une clause de sortie dans son contrat, et Honda souhaiterait le recruter pour remplacer Luca Marini, en grande difficulté cette saison, d’autant plus après sa récente chute lors des essais des 8 Heures de Suzuka. Aleix Espargaro continuera d’assurer l’intérim pour Marini à Assen.
À venir
Le Grand Prix des Pays-Bas (26 tours) sera lancé dimanche à 14h00, heure locale (22h AEST), précédé de la course sprint samedi à 15h00 (23h AEST). Entre luttes pour le championnat, tensions internes, enjeux contractuels et rivalité fraternelle, Assen s’annonce comme l’un des chapitres les plus captivants de cette saison MotoGP.