Projet V4 MotoGP de Yamaha : évolution nécessaire ou distraction risquée ?
Le programme MotoGP de Yamaha risque de compromettre ses récents progrès en poursuivant le développement d’un nouveau moteur V4. Une initiative ambitieuse qui pourrait soit relancer sa compétitivité, soit la compromettre complètement. Le récent Grand Prix d’Espagne, où Fabio Quartararo a transformé une pole position en deuxième place, a marqué la meilleure performance de Yamaha depuis près de deux ans. Pourtant, ce résultat est intervenu quelques jours seulement après que le pilote d’essai Augusto Fernandez a testé le tout nouveau moteur V4 à Valence.
Bien que Yamaha ne se soit pas encore engagé à remplacer complètement son moteur quatre cylindres en ligne actuel, le projet V4 suscite un enthousiasme croissant. La direction de l’entreprise a affirmé que le V4 ne prendra le relais que lorsqu’il se sera révélé plus rapide que la M1 actuelle. Cependant, pour l’instant, le V4 n’en est qu’à ses débuts de développement, pas encore prêt pour les courses wildcard, et encore moins pour une utilisation en usine à temps plein.
Pourtant, les pilotes Yamaha – et Fernandez – voient de plus en plus le V4 comme l’avenir. Le développement du quatre cylindres en ligne a ralenti ces dernières années, et l’équipe commence à considérer le V4 comme une remise à niveau nécessaire pour une moto qui n’a pas réussi à suivre ses rivaux.
Jerez : le dilemme de Yamaha
Le tour de pole de Quartararo à Jerez a été record et régulier ; son deuxième meilleur temps était seulement 0,074 seconde plus lent. Mais le contexte est essentiel. Des pilotes Ducati comme Marc Marquez et Pecco Bagnaia ont peut-être un peu ralenti en qualifications pour éviter les risques qui auraient pu compromettre leur campagne de championnat. Quartararo, ayant moins à perdre, pourrait attaquer plus fort. De plus, Jerez est un circuit historiquement fort pour Quartararo, depuis sa carrière junior. Son tracé sinueux convient également au quatre cylindres en ligne de Yamaha, qui ne brille pas dans les longues lignes droites.
Malgré cela, les progrès de Yamaha sont réels. Quartararo a résisté aux meilleurs concurrents et a presque égalé le rythme du vainqueur, démontrant ainsi l’évolution de la M1. Les essais d’après-course ont apporté d’autres bonnes nouvelles : la nouvelle version du moteur quatre cylindres en ligne s’est révélée encore plus prometteuse.
Des résultats d’essais positifs, mais des choix difficiles à faire
Malgré un week-end de course décevant dû à un accident, Alex Rins s’est montré impressionné par le nouveau moteur lors des essais. Il a constaté une vitesse de pointe accrue et de meilleurs temps au tour – d’environ une demi-seconde – grâce aux modifications apportées au moteur et aux réglages. Yamaha a longtemps peiné à trouver le juste équilibre entre performances moteur et agrément de conduite. L’an dernier, la moto a atteint une vitesse de pointe impressionnante en ligne droite, mais elle est devenue difficile à contrôler. Aujourd’hui, elle semble réduire l’écart avec prudence.
Cependant, Jerez n’est pas le lieu idéal pour comparer les performances des moteurs en raison de sa configuration. La prochaine manche, au Mans, pourrait offrir une image plus précise des réelles améliorations du quatre cylindres en ligne.
Les risques d’une concentration partagée
Si Yamaha continue d’améliorer le quatre cylindres en ligne, l’entreprise pourrait perdre ses concessions de développement « Rang D ». Cela impliquerait davantage de restrictions en 2025, notamment un gel des moteurs. Bien que Yamaha ne soit pas encore menacée dans l’immédiat, la poursuite des progrès pourrait changer aussi rapidement.
En attendant, le temps presse. Le règlement technique actuel du MotoGP expire bientôt, et si Yamaha veut se battre pour le titre avec un V4 1000 cm³, 2025 est sa seule chance. Miser sur les deux types de moteurs simultanément est un pari risqué, d’autant plus que des concurrents comme KTM et Aprilia n’ont pas réussi à s’imposer en se concentrant uniquement sur les V4.
Les changements de règlement à venir en 2027, notamment en matière d’aérodynamisme, pourraient également favoriser les V4, leur forme permettant des réglages aérodynamiques plus efficaces. Cela pourrait à terme rendre le quatre cylindres en ligne obsolète en compétition de haut niveau.
Messages mitigés des pilotes
Jack Miller, l’un des nouveaux pilotes de Yamaha, estime que le quatre cylindres en ligne peut encore être compétitif, mais il admet ses limites physiques. Sa conception plus large, par exemple, constitue un inconvénient incontournable. Il affirme que Yamaha devrait se concentrer sur d’autres moyens d’optimiser la performance, même si elle n’est jamais la plus rapide en ligne droite.
Quartararo a été l’un des plus fervents défenseurs de la transition vers un V4. Il a débuté le week-end de Jerez en insistant sur la nécessité d’un V4, mais après la course, il s’est montré moins catégorique, peut-être par prudence ou par optimisme quant aux progrès de la M1. Il a souligné les difficultés de la moto au freinage et sa réactivité aux petites erreurs – des problèmes qu’un V4 pourrait, selon lui, résoudre grâce à sa meilleure adéquation avec le style de pilotage des motos concurrentes.
Une direction claire se dessine
Le testeur Augusto Fernandez, bien que louant la performance de Quartararo, a renforcé sa conviction que le V4 est la bonne direction pour Yamaha. Ses commentaires suggèrent qu’au sein de l’équipe, un consensus se dégage pour abandonner le quatre cylindres en ligne.
Conclusion
Yamaha est confrontée à une décision cruciale : poursuivre le développement de son nouveau quatre cylindres en ligne amélioré ou s’engager pleinement dans le projet V4, encore en phase de maturation. Si les résultats récents sont porteurs d’espoir, les perspectives à long terme, notamment avec les changements réglementaires imminents, semblent pencher en faveur du V4. Trouver un équilibre entre les deux projets pourrait s’avérer intenable, et Yamaha devra bientôt choisir entre consolider son héritage ou s’engager sur une nouvelle voie, incertaine, pour revenir au sommet du MotoGP.