La frustration de Fabio Quartararo éclate face au projet de moteur V4 de Yamaha prévu pour 2026
Le mécontentement grandissant de Fabio Quartararo envers Yamaha devient de plus en plus difficile à ignorer. Le Champion du Monde MotoGP 2021 a une nouvelle fois exprimé son agacement face au manque de progrès compétitif de son équipe. Ses dernières déclarations font suite à l’annonce de Yamaha, qui travaille sur un nouveau moteur en configuration V4 censé être introduit en 2026 – un projet que Quartararo a accueilli avec un scepticisme à peine voilé et une impatience manifeste.
Pilote emblématique de Yamaha depuis son arrivée en catégorie reine en 2019, le Français a longtemps fait preuve d’une fidélité sans faille envers le constructeur d’Iwata. Mais la situation semble désormais basculer. Face à une saison marquée par des performances insuffisantes, des problèmes techniques récurrents et un manque de développement, Quartararo ne cache plus sa frustration. Malgré quelques éclairs de vitesse en qualifications, ses espoirs de podiums réguliers – voire de victoires – sont continuellement déçus.
Lors du week-end du Grand Prix d’Allemagne au Sachsenring, le ton et le langage corporel de Quartararo ont clairement laissé transparaître la tension qui règne entre lui et son équipe. Ses propos faisaient suite aux déclarations de Paolo Pavesio, directeur général de Yamaha Racing, qui a annoncé que la marque japonaise allait passer à une architecture moteur en V4 dès 2026 – un changement technique majeur après des décennies d’utilisation du moteur quatre cylindres en ligne. Mais Quartararo, visiblement peu convaincu par cette promesse à long terme, s’est montré direct.
« Je ne sais pas ce qu’il [Pavesio] pense », a-t-il lâché avec irritation. « Je ne crois pas qu’il soit réellement impliqué dans le développement technique. Honnêtement, Yamaha sait déjà ce qu’il faut faire pour me garder. Que ce soit un V4 ou non, ça ne m’importe pas. Je veux juste une moto compétitive pour l’an prochain. »
Le message est limpide : alors que Yamaha mise sur une transformation technique à long terme, Quartararo réclame des améliorations immédiates pour pouvoir se battre avec les meilleurs. Ces dernières semaines, il a répété qu’il n’était plus prêt à attendre des solutions hypothétiques pour les saisons futures – il lui faut une moto performante dès maintenant.
Déjà, au Grand Prix des Pays-Bas quelques semaines plus tôt, il avait averti qu’il avait besoin « d’un projet gagnant maintenant ». Ses déclarations au Sachsenring confirment que sa patience atteint ses limites. Son engagement à long terme envers Yamaha semble désormais conditionné à l’arrivée rapide d’évolutions concrètes, et non de simples promesses pour dans deux ans.
Malgré une légère embellie morale avec une troisième place obtenue lors de la course sprint au Sachsenring, Quartararo reconnaît que l’ambiance est tendue dans le garage Yamaha. Les rares podiums ne suffisent plus à masquer les lacunes de la moto.
« Bien sûr que ça devient tendu dans l’équipe », a-t-il admis. « Il y a une attente constante de progrès, de développement, de nouveauté. Mais ce qu’on constate, c’est qu’il n’y a rien qui change vraiment. »
Interrogé sur les premières phases de développement du moteur V4, Quartararo s’est également montré peu impressionné. Alors que les premiers retours sur ce prototype seraient plutôt positifs en matière de sensations et de réactivité, le Français a tenu à rappeler que cela ne compte que si les performances suivent.
« On entend dire que les retours sur le V4 sont bons », a-t-il déclaré. « Mais les temps au tour sont encore bien trop lents. Et c’est ça qui compte. Tu peux avoir de bonnes sensations sur une moto, mais si elle n’est pas rapide, ça ne sert à rien. »
Un constat sans concession de la part d’un pilote à bout de nerfs. Quartararo n’est plus ce visage calme et loyal des efforts MotoGP de Yamaha. Il utilise désormais sa notoriété pour mettre la pression publiquement sur l’équipe – par ses mots, mais aussi par son attitude de plus en plus nerveuse en piste.
Lors de la deuxième séance d’essais libres samedi matin, un problème technique l’a mis dans une colère noire. Il a été vu frappant sa Yamaha YZR-M1, une réaction inhabituelle pour un pilote généralement très mesuré. Puis, lors du warm-up du dimanche matin, il a de nouveau laissé éclater sa frustration sur sa moto après avoir franchi le drapeau à damier. Autant de signes que la situation actuelle chez Yamaha devient intenable à ses yeux.
Ces accès de colère ne sont pas de simples éclats émotionnels : ils traduisent un profond désaccord entre les attentes du pilote et la direction prise par l’équipe. Même s’il est encore capable de réaliser de brillantes performances en qualifications – avec notamment quatre pole positions depuis avril – ses espoirs en course sont souvent ruinés par des problèmes mécaniques ou un manque de rythme. L’un des exemples les plus douloureux fut le Grand Prix de Grande-Bretagne, où une défaillance technique lui a coûté ce qui semblait être une victoire à portée de main.
Le problème majeur pour Yamaha, c’est que les critiques de Quartararo ne sont plus des réactions isolées. Elles sont devenues récurrentes, révélant une rupture de confiance et de vision entre le pilote et le constructeur. Pour une marque déjà distancée par Ducati, KTM et Aprilia, la perte – ou même la démobilisation – de son pilote phare pourrait avoir des conséquences désastreuses.
Bien que Quartararo soit sous contrat avec Yamaha jusqu’en 2026, ses déclarations de plus en plus franches et ses réactions sur la piste laissent penser qu’il est prêt à reconsidérer son avenir – surtout si Yamaha tarde à lui fournir la machine compétitive qu’il réclame.
Le projet de moteur V4, bien qu’intéressant sur le papier, apparaît à ses yeux comme une distraction inutile s’il ne s’accompagne pas de résultats immédiats. D’autres constructeurs, comme Ducati, ont passé des années à peaufiner leur moteur V4 pour en faire une arme de championnat. Yamaha, de son côté, n’en est encore qu’au début de la phase de développement, ce qui laisse peu d’espoir de voir cette technologie aboutir avant que la fenêtre de succès de Quartararo ne commence à se refermer.
À l’approche de la deuxième moitié de la saison 2024, Yamaha se retrouve donc dans une position délicate. La pression pour améliorer rapidement la moto est énorme. Le constructeur doit prouver à Quartararo – et au paddock tout entier – qu’il est engagé dans une démarche de victoire, non pas à long terme, mais dès maintenant. Dans le cas contraire, il risque de perdre l’un des talents les plus brillants de la grille, soit physiquement au profit d’un autre team, soit mentalement à travers un désengagement progressif.
Pour Fabio Quartararo, les discours ne suffisent plus. Peu importe que le moteur soit un quatre en ligne, un V4 ou autre chose – seuls les résultats le convaincront de rester. Et à moins que Yamaha ne parvienne à redresser rapidement la barre, son atout maître pourrait bien devenir son critique le plus virulent… ou pire encore, son départ le plus douloureux.