La crise s’aggrave chez Yamaha alors que les rumeurs de départ de Quartararo s’intensifient — La direction répond avec une vision à long terme et un bouleversement technique
Malgré des pole positions prometteuses, les victoires restent hors de portée alors que la pression monte sur le constructeur d’Iwata
La tension devient palpable dans le box Yamaha en MotoGP. Bien que l’équipe ait décroché quatre pole positions cette saison, la performance en course ne suit pas. Yamaha et son pilote vedette, Fabio Quartararo, peinent toujours à transformer leur vitesse sur un tour en résultats solides le dimanche. Ce décalage persistant entre la qualification et la course alimente les inquiétudes internes et attise les rumeurs quant à l’avenir de Quartararo, certains médias — y compris des canaux officiels de MotoGP — suggérant que le champion du monde 2021 envisagerait sérieusement de quitter le constructeur japonais.
Paolo Pavesio, directeur sportif de Yamaha, a récemment abordé la situation actuelle dans une interview franche avec le commentateur MotoGP Jack Appleyard. Il a reconnu la nature imprévisible et frustrante de cette saison 2025.
« Cette année a été plutôt mouvementée », a admis Pavesio. « Nous avons progressé plus vite que prévu, notamment sur le plan de la performance, mais désormais, il faut stabiliser ces progrès et créer une dynamique. Certaines conditions nous ont permis de corriger les problèmes de grip qui nous pénalisaient auparavant, mais ce n’est pas encore une solution complète. »
Malgré un ton volontairement optimiste, la frustration sous-jacente était palpable — en particulier après une interview récente de Quartararo sur MotoGP.com qui a fait couler beaucoup d’encre. Dans cet entretien, le Français aurait déclaré de manière ferme que, si Yamaha ne retrouvait pas le chemin de la victoire, il commencerait à envisager d’autres options. Interrogé à ce sujet, Pavesio a adopté une posture mesurée mais ferme.
« Honnêtement, nous n’avons pas besoin d’une interview pour nous rappeler ce qui est en jeu », a-t-il déclaré. « Tout le monde chez Yamaha est parfaitement conscient du défi qui nous attend. Ce n’est pas la motivation qui nous manque — nous savons ce qu’il faut faire pour retrouver le sommet du MotoGP. »
Il a ensuite critiqué la manière dont les propos de Quartararo ont été relayés par les médias. Selon lui, l’interview a été sortie de son contexte.
« Fabio a donné une interview de 20 minutes, mais le public n’a vu qu’un clip d’une minute sur Instagram, conçu pour générer du clic », a-t-il déploré. « C’est ainsi que fonctionnent les médias aujourd’hui. On y est habitués, mais ce n’est pas toujours bénéfique quand on essaie de gérer une situation aussi délicate. »
Malgré la tension croissante et les spéculations sur un possible départ de Quartararo, Yamaha reste déterminé à conserver son pilote numéro un. Le constructeur a d’ailleurs prolongé son contrat jusqu’à la fin de la saison 2026 — un engagement fort au vu de la concurrence féroce entre les usines pour s’attacher les services des meilleurs talents. Mais cette prolongation ne s’est pas faite sans contreparties. Yamaha aurait assorti l’accord d’un plan d’investissement conséquent destiné à relancer son programme MotoGP et à convaincre Quartararo de l’engagement réel de l’équipe.
« Nous voulons absolument réussir ce projet », a affirmé Pavesio. « C’est pour cela que nous y consacrons autant de ressources. Notre objectif n’est pas seulement de participer — c’est de gagner. Et pour y parvenir, nous devons évoluer. »
Cette évolution passe notamment par une refonte complète du département technique. Yamaha a nommé Max Bartolini, ancien ingénieur de premier plan chez Ducati, au poste de directeur technique. Son arrivée témoigne d’une volonté d’adopter de nouvelles perspectives et philosophies d’ingénierie, notamment celles de Ducati, leader incontesté de la discipline ces dernières années. Yamaha espère que l’expérience et les idées novatrices de Bartolini aideront à combler le retard.
Parallèlement, la marque japonaise a conclu un partenariat stratégique majeur avec l’équipe Pramac Racing. Actuellement associée à Ducati, Pramac devrait passer chez Yamaha en 2026. Cet accord permettra à Yamaha d’aligner quatre motos sur la grille — doublant ainsi sa capacité de développement et augmentant sa flexibilité pour tester de nouveaux composants et stratégies. Cette présence élargie devrait accélérer les boucles de retour d’information et la collecte de données, fournissant un avantage crucial dans la guerre technologique que constitue le MotoGP moderne.
Mais l’entreprise la plus audacieuse de Yamaha reste sans doute son choix de délaisser son emblématique moteur quatre cylindres en ligne pour adopter un nouveau bloc moteur en configuration V4. Ce changement radical, symbole d’une volonté de repenser entièrement leur approche, marque une rupture historique avec l’ADN technique de la marque. Le moteur V4 — plébiscité pour ses performances brutes et déjà utilisé avec succès par Ducati, KTM et Aprilia — est actuellement en cours de développement.
Les premiers tests de prototype ont déjà eu lieu. Lors d’une session privée à Barcelone, les pilotes expérimentés Andrea Dovizioso et Augusto Fernandez ont testé la machine. Les détails du roulage restent confidentiels, mais les premiers échos sont globalement positifs, laissant espérer que cette nouvelle plateforme pourra offrir la puissance et la maniabilité nécessaires pour jouer aux avant-postes.
« Nous sommes pleinement engagés dans l’amélioration de l’actuelle M1 tout en développant en parallèle une toute nouvelle plateforme », a confirmé Pavesio. « Le moteur V4 est un chantier colossal, mais nous savons ce que nous faisons — et surtout, Fabio le sait aussi. Il participe aux discussions et comprend notre trajectoire. »
Cependant, l’optimisme ne suffira pas à faire taire les critiques ou à apaiser les tensions internes. Yamaha évolue dans un MotoGP plus compétitif que jamais. Ducati domine avec un effectif impressionnant et une technologie de pointe, tandis que KTM et Aprilia repoussent sans cesse les limites, tant sur le plan technique qu’en matière de pilotes. Pour Yamaha, le retour au sommet nécessitera bien plus que de bonnes intentions et des investissements — il faudra surtout des résultats sur la piste.
Les enjeux sont particulièrement élevés pour Quartararo. À 26 ans, déjà champion du monde, il entre dans l’âge d’or de sa carrière. Il a été clair sur ses ambitions : il veut se battre pour les victoires et les titres, pas pour des top 10 ou quelques podiums isolés. Si Yamaha ne parvient pas à concrétiser ses promesses rapidement, la patience du Français pourrait s’émousser malgré son contrat. L’attrait d’un autre constructeur — surtout ceux déjà en lutte pour le championnat — deviendra alors de plus en plus fort à chaque opportunité manquée.
Alors que la saison 2025 se poursuit, Yamaha se trouve à un tournant décisif. La direction croit en sa feuille de route : refonte technique, recrutements stratégiques, partenariats ciblés et innovations audacieuses. Mais seul le temps dira si ces choix suffiront à ramener Yamaha au sommet — et à convaincre Fabio Quartararo que son avenir est toujours en bleu.